Ressources et idées pour l'école primaire. Décomposition des nombres, poésie, pédagogie
Un dé comporte quatre faces avec 5 points et deux faces avec 1 point.
L'autre dé comporte de 0 à 5 points sur chaque face.
Chaque joueur lance à son tour les deux dés pour obtenir tous les nombres de 1 à 10. Un matériel utile pour viser les nombres est le Jeu de trac (appelé aussi "Shut the box / Fermez la boite") dans lequel il s'agit de retourner les dominos figurant les nombres obtenus avec les dés : soit la somme des deux dés, soit chaque dé séparément.
Le jeu prend fin quand tous les nombres ont été obtenus par un joueur.
Variante : on joue ensemble contre le loup. Quand un joueur obtient un nombre déjà trouvé, il est obligé de surligner un trait du dessin d'un loup avec un feutre effaçable (sur le modèle du jeu du "pendu"). Quand le loup est entièrement dessiné, les joueurs ont perdu. Il faut donc obtenir tous les nombres avant que le loup arrive.
Pourquoi supprimer du dé le nombre 6 et réorganiser les points de manière régulière ?
Rémi Brissiaud1 rappelle qu'il y a 45 décompositions additives à deux termes des nombres jusqu'à 10. Il n'est pas raisonnable de vouloir entraîner les élèves à toutes les connaître au-delà du nombre 5 et beaucoup plus profitable de les familiariser avec les stratégies de décomposition les plus utiles pour faciliter les calculs : n+1, 5+n, doubles, doubles+1.
L'entrainement explicite à la décomposition n+1 (itération de l'unité) permet de comprendre que chaque nombre s'obtient en ajoutant une unité au nombre qui le précède dans la suite des nombres.
L'entrainement à la décomposition 5+n permet de s'appuyer sur la collection des doigts de la main qui est toujours à disposition. 5 est aussi un nombre facilement analysable en deux nombres inférieurs ou égaux à 3 (limite de la quantité d'objets appréhendable immédiatement). Enfin, les stratégies de "passage du 5" permettent de faciliter les calculs en dessous de 10 et de préparer les stratégies de "passage du 10". Si je sais que 5+2=7, je peux trouver que 4+3=(4+1)+2=7 ou bien que 4+3=(5+3)-1=7.
Les dés et les collections témoins organisées qui leur sont associées permettent de travailler les décompositions de type n+1 et n+5 pour peu qu'on modifie les faces en ce sens.
Cette modification a toujours rencontré des résistances, comme l'explique Jean-Paul Fischer2. Dès le 18e siècle, quand les pédagogues allemands ont cherché le meilleur moyen de représenter les nombres par des configurations de points, Hentschel a voulu s'appuyer sur le nombre 5. Mais il a tout de même proposé deux système parallèles : le nombre 6 est figuré soit par deux séries de 3 points alignés, comme dans les dominos et les dés traditionnel, soit par 5 points en quinconce et 1 point à distance.
Pourquoi les dés traditionnels favorisaient-ils la représentation du nombre 6 par deux séries de 3 points alignés ? Parce qu'ils comptaient très majoritairement six faces et que cette représentation de 6 occupait mieux l'espace d'une face que le quinconce et 1 point séparé ? Parce que pour chaque représentation d'un nombre on choisissait traditionnellement la représentation la plus simplement appréhendable sans se soucier de la régularité de la représentation de la suite des nombres ? 3+3 présente en effet l'avantage d'être à la fois un double et deux groupes de trois points très facilement perceptibles d'un coup d’œil.
En France, dans les années 1920, Suzanne Herbinière-Lebert proposait un jeu de dés3 pour entrainer le calcul de 5+n. Elle utilisait deux dés en bois pyrogravés. Le premier portait cinq points sur toutes ses faces. Le deuxième portait de 1 à 5 points.
Dans les années 1950, Madeleine Abbadie, inspectrice de la Seine et grande complice de Suzanne Herbinière-Lebert, fit partie des auteurs qui préconisèrent de s'appuyer sur le nombre 5 et de supprimer la représentation du nombre 6 par deux séries de 3 points alignés4. Madeleine Abbadie préconisa aussi de former la représentation des premiers nombres de manière plus régulière : à partir de la représentation du nombre précédent. Rémi Brissiaud, de nos jours, recommande la même configuration5 (cf. image ci-dessous)
En effet cette réorganisation des points pour les nombres 2, 3 et 6 permet de mieux saisir que chaque nombre est formé à partir du précédent auquel on ajoute une unité. Elle permet aussi de retrouver plus facilement des configurations de nombres inférieurs dans celles des nombres supérieurs et ainsi de faciliter la décomposition des nombres (malgré tout moins efficacement qu'avec les configurations Herbinière-Lebert).
Je propose à mon tour de reconfigurer les dés eux-mêmes afin de forcer la pratique de décompositions privilégiées : n+1 et 5+n. L'un des dés comporte en ce sens quatre faces avec cinq points et deux faces avec un point. L'autre dé comporte de zéro à cinq points sur chaque face.
Gonzague Jobbé-Duval, janvier 2019. Dernière mise à jour juin 2019.
Notons parmi les recommandations accompagnant la circulaire de rentrée 2019-2020, signée par Jean-Michel Blanquer et parue au B.O. du 29 mai 2019 :
"Les dés, notamment, sont des outils facilement adaptables aux objectifs visés : différents nombres peuvent être identifiés sur leurs faces, ainsi que différentes écritures des nombres (constellations, chiffres, doigts, etc.). Il est important de privilégier les jeux à deux dés (ou trois) plutôt qu'avec un seul dé, pour conduire les élèves à devoir ajouter les deux nombres."
Notes :
1. BRISSIAUD Rémi, « Le nombre dans le nouveau programme maternelle : Deuxième partie ». http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2015/10/RBrissiaud09102015Article2.aspx
2. FISCHER Jean-Paul, "La distinction procédural/déclaratif : une application à l'étude de l'impact d'un "passage du cinq" au CP. In Revue française de pédagogie, volume 122, 1998. Recherches en psychologie de l'éducation. Pp. 99-111. www.persee.fr/doc/rfp_0556-7807_1998_num_122_1_1139
3. GARCIN F. "Cours Pauline Kergomard. Initiation sensorielle au calcul. Conférence Herbinière-Lebert (suite)", L’Éducation enfantine n°6, 10 janvier 1934.
4. ABBADIE Madeleine et BROSSAT Paulette, L'initiation au calcul dans les classes maternelles et enfantines, Paris : Armand Colin, 1958.
5. BRISSIAUD Rémi, « Le nombre dans le nouveau programme maternelle : Deuxième partie ». http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2015/10/RBrissiaud09102015Article2.aspx